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[1652] MÉMOIRES

Ce lendemain arrive, les femmes et le batelier arrivent à l’heure assignée ; mais le batelier avoit si mal fait son affaire, qu’il mettoit le père en état d’être pris infailliblement par l’armée navale des Bordelais ; car au lieu d’avoir mis sa chaloupe à deux lieues de la ville, comme le père lui avoit commandé, il l’avoit conduite au port du Chapeau-Rouge. Cela rompit beaucoup les mesures de ce départ ; néanmoins il falloit partir. Le père Berthod donne donc au batelier une valise ouverte, pleine de linge et de papiers indifférens, afin qu’étant visitée à la porte on n’y trouvât rien de suspect, et lui commande de ramener son bateau au lieu destiné, et de l’attendre là, jusques à ce qu’il l’eût été joindre ; puis il pria une des trois femmes à laquelle il avoit plus de confiance d’envoyer quérir deux filles de sa connoissance et de ses amies, et qu’elle leur fît croire qu’un gentilhomme de M. d’Epernon leur vouloit donner la collation au bout des Chartreux, et qu’elle les priât d’être de la partie.

Dans le temps que ces deux filles arrivèrent, le père partage ses papiers en trois, dont il donna à chacune une partie, aux deux sœurs de son hôte, et à l’autre de leur bande : elles les avoient dans leurs jupes de taffetas, et elles passèrent toutes trois avec leurs papiers sans être fouillées ; car on ne s’avisa point de visiter ces bourgeoises, qui sont au-dessus du commun dans la ville. Comme elles vouloient partir, les deux demoiselles arrivent, auxquelles le père Berthod, qui étoit vêtu en habit séculier, fit compliment comme s’il eût voulu s’aller promener avec elles. Il marche dans les rues, parlant sérieusement ensemble ; mais comme il fut à une rue proche du Chapeau--