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DU PÈRE BERTHOD. [1652]

lettre que le père Berthod lui écrivoit ; dès le même instant qu’il l’eut lue, il la porte au prince de Conti, quoiqu’il fût neuf heures au soir. Son Altesse fut extrêmement surprise, et elle accusa le père Ithier d’avoir consenti à cette évasion ; mais ce père s’étant excusé par beaucoup de raisons, et par la justification même qui paroissoit dans la lettre du père Berthod, laissa le prince de Conti persuadé qu’il n’en étoit pas coupable ; et toute la colère de Son Altesse, aussi bien que de madame de Longueville et de Lenet, se tourna sur le père Berthod, et sur ceux qu’on croyoit avoir eu intelligence avec lui.

Le lendemain, de grand matin, l’Ormée s’assembla sur la fuite du père. Le prince de Conti fit une ordonnance par laquelle la tête du père Berthod fut mise à sept cents pistoles : son portrait fut vendu et affiché par les rues. Les ormistes, qui s’étoient persuadés que le sieur Du Buhoc, conseiller du parlement, avoit eu quelque correspondance avec lui, allèrent piller sa maison, et l’eussent assassiné s’il ne se fût sauvé par dessus les toits dans le couvent des jacobins. L’un des jurats, duquel on avoit le même soupçon, fut déposé de sa charge, et chassé hors de la ville. Enfin, durant deux jours, c’étoit une rumeur étrange dans toutes les maisons de Bordeaux ; les malintentionnés ne parloient que de roues et de gibets pour ce pauvre père ; mais les bons bourgeois, qui avoient quelques bons sentimens pour le service du Roi dans le cœur, et qui ne savoient pas pourquoi le père Berthod étoit dans Bordeaux, commencèrent à ouvrir les yeux, et à louer Dieu de la bonne intention qu’il avoit eue de remettre la paix et le repos dans leur ville.