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DU PÈRE BERTHOD. [1652]

pouvoit traiter avec Son Altesse sans gâter les affaires du Roi, et sans blesser son honneur et sa conscience ; qu’il ne pouvoit ni ne devoit abandonner le service de Sa Majesté. Et il lui dit encore d’autres choses sur cette matière, afin qu’il se pût justifier au prince de Conti, au cas qu’il l’accusât d’être d’intelligence avec le père Berthod pour son évasion ; et afin que le père Berthod écrivît sa lettre en repos et sans être vu du père qui l’accompagnoit, il l’engagea à faire collation avec des matelots espagnols qui pétunoient[1]. Ce fut une des raisons qui obligea le père Berthod de choisir le compagnon qu’il avoit amené, parce qu’il savoit parler espagnol, et que le batelier qui devoit conduire le père Berthod à Blaye l’avoit averti qu’il y avoit toujours des Espagnols dans ce cabaret.

La lettre étant faite, cachetée et enveloppée dans un papier sans suscription aussi cacheté, le batelier, qui avoit le mot du père Berthod, lui vint dire en la présence du compagnon que le gentilhomme qu’il attendoit ne viendroit pas s’il ne l’alloit quérir ; qu’il étoit dans l’Amiral de Hollande, qui étoit dans la rivière de Bordeaux pour escorter la flotte en ce pays là, qui étoit venue pour acheter les vins des Bordelais. Le père Berthod prit de là occasion de dire à son compagnon qu’il le prioit de se donner patience dans ce cabaret, pendant qu’il iroit quérir la personne avec laquelle il devoit conférer, et qu’ils seroient de retour

  1. Qui petunoient : C’est-à-dire qui fumoient du tabac. Cette plante, dont l’usage est aujourd’hui si répandu, s’appela d’abord nicotiane, du nom de Nicot, ambassadeur de France en Portugal en 1560. Il fut le premier qui en fit connoître l’usage en France. On l’appeloit aussi petun, du nom vulgaire que les naturels de l’île de Tabago lui donnoient.