Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 48.djvu/259

Cette page a été validée par deux contributeurs.
257
DE CONRART.

sonne qu’on veut perdre avec M. le surintendant[1]. En effet la Reine mère a dit que c’étoit une femme à raser, et à mettre aux Madelonnettes. J’ai ouï assurer de bonne part qu’on a trouvé une lettre d’elle à M. le surintendant la plus infâme qui se puisse imaginer : ce qui est incroyable, quoique personne ne doute ici qu’elle soit vraie. « Je vous ai découvert, lui dit-elle, une fille qui ne vous coûtera que trente pistoles ; et si vous la trouverez autant à votre goût, … que celles qui vous coûtent tant d’argent[2]. » Je suis assuré, du moins, qu’elle étoit de la plupart de ses intrigues, nonobstant sa dévotion extérieure, ses simagrées, et la hardiesse qu’elle avoit de prétendre au gouvernement des enfans de France que le Roi a donné si justement à madame de Montausier. Voici une particularité notable des mémoires de M. le surintendant. Outre tout ce que je vous ai mandé, il avoit écrit qu’en cas qu’on le prît prisonnier, il faudroit aller enlever M. Le Tellier, le mener dans Béthune, Amiens, Calais ou Arras ; qu’on lui serrât les pouces jusqu’à ce qu’il eût obtenu sa liberté ; et que si cela ne réussissoit, il faudroit se mettre en campagne. Mais la manière dont il parle de M. de Lyonne est agréable : « C’est, dit-il, un homme sans cœur, d’esprit fort médiocre, qui n’est propre à rien, et à qui on fera faire toutes choses pour cent pistoles. » Le Roi a

  1. Avec M. le surintendant : Fouquet venoit d’être arrête à Nantes le 5 septembre précèdent. (Voyez la lettre de Louis xiv à la Reine sa mère dans les Œuvres de ce prince ; Paris, 1806, tome 5, page 50.)
  2. Il fut trouvé dans les cassettes de Fouquet des lettres qui compromirent plusieurs femmes de la cour. Fouquet soutint que ces billets avoient été supposés par ses ennemis. (Voyez les Œuvres de Fouquet ; Paris, 1696, tome 16, page 337.)