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DE CONRART.

moins cette fille demeurât dans une chambre où il ne la put voir ; il la pria elle-même, et après lui commanda en paroles rudes et avec menaces de ne se trouver jamais devant lui, ou qu’il lui en prendroit mal : ce qui lui fit éviter sa présence autant qu’il lui fut possible. Mais il arriva un jour par malheur que comme il montoit le degré, elle descendoit ; si bien que s’étant rencontrés tête à tête, il tira un couteau de sa poche dont il lui donna un coup dans le sein, qu’elle avoit découvert, lui disant : « T’avois-je pas défendu de paroître jamais devant moi, et de me laisser jamais voir ton sein ? » Elle, ayant reçu ce coup, tomba par terre, et avec un fort grand effroi le pria d’avoir pitié d’elle et de lui pardonner. Mais, au lieu de cela, du même couteau dont il l’avoit déjà frappée, et d’un autre qu’il tira encore de sa poche, lequel on dit qu’il avoit fait faire exprès, il lui en donna plusieurs coups dont elle mourut sur le lieu même : et non content de cela, il lui marcha sur le ventre après sa mort, disant mille ordures et mille outrages.

Le bruit de cet accident ayant fait accourir plusieurs voisins et autres personnes de leur connoissance, on lui conseilla de se sauver en quelque abbaye, jusqu’à ce qu’il eût résolu où il pourroit chercher une demeure assurée hors de son pays : ce qu’il fit. Mais sur les poursuites qui furent faites en justice contre lui, lorsqu’on eut découvert l’abbaye où il s’étoit retiré, on l’y alla chercher ; et comme ceux qui en avoient la commission ne le connoissoient pas, ils prirent un autre garçon pour lui, et le vouloient emmener ; mais lui qui étoit présent, pressé par les