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MÉMOIRES

nal, par laquelle il lui mandoit qu’il falloit tenir bon à refuser au prince ce qu’il demandoit pour ses amis, et qu’il s’en relâcheroit ; et que s’il vouloit tenir trop ferme, le duc de Rohan, Chavigny et Goulas assuroient que le duc d’Orléans s’accommoderoit sans lui. Quelques-uns ont dit que c’étoit une ruse du cardinal, qui avoit fait écrire la lettre exprès, et exposé le courrier pour donner jalousie au prince du duc d’Orléans, et faire perdre aux trois ci-dessus nommés sa confiance. Le prince ayant fait déchiffrer cette lettre, la porta chez le duc d’Orléans, où ces trois messieurs se rencontrèrent, qui demeurèrent fort surpris. Le prince ne voulut pas les pousser, de peur qu’ils ne découvrissent au duc d’Orléans qu’il avoit négocié sans lui avec le cardinal : mais un jour qu’ils furent chez lui quelque temps après, comme il étoit tombé malade, les uns disent qu’il malmena Chavigny ; et les autres, qu’il lui répondit, à ce qu’il alléguoit pour sa justification, en termes et d’une mine qui tenoient de l’indifférence, de la raillerie et du dédain tout ensemble : ce qui fit que Chavigny n’eut plus de part en ses bonnes grâces, ni aux affaires ; de quoi il se saisit tellement, qu’étant revenu chez lui fort enflammé et fort oppressé, il se mit au lit. Il y avoit déjà long-temps que l’agitation d’esprit et le travail de corps, qui étoient extraordinaires depuis son engagement dans le parti, l’avoient échauffé et desséché d’une étrange sorte, outre que sa façon de vivre y avoit beaucoup contribué ; car la crainte de devenir gros lui avoit fait prendre la résolution, quoiqu’il eût le sang fort chaud, le foie grand, et qu’il se fît grande dissipation d’esprits, de manger fort peu, et de ne