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MÉMOIRES

au hoca[1] les après-dînées, afin de se désennuyer. Le soir, elles soupoient ensemble dans sa chambre, mais fort frugalement ; car le mari avoit ordonné qu’elles n’auroient qu’un potage avec un chapon bouilli, et un chapon rôti quand elles ne seroient que trois ; et lorsqu’elles seroient quatre, qu’on y ajouteroit deux perdrix. Cela dura ainsi quelque temps ; mais comme les esprits du mari et de la femme sont fort inquiets, et ne peuvent demeurer long-temps en même assiette, il commença à s’ennuyer de ce qu’elle ne soupoit jamais avec lui, d’autant plus qu’elle faisoit manger ses gens à part : ce qui étoit cause qu’il falloit tenir quatre ordinaires différens, tant à dîner qu’à souper : un pour lui, un pour ses gens, et un pour elle et un pour ses gens. Il commanda donc à son cuisinier que quand il souperoit au logis, il lui fit servir la moitié du potage et du chapon, et à sa femme l’autre moitié avec un chapon rôti, ou une perdrix seulement, sans autre chose : ce qui la piqua extrêmement, disant à toute heure à Garnier et à sa femme qu’il n’y avoit jamais eu de barbarie semblable de refuser le nécessaire à une femme de qui on avoit reçu tant d’avantages et tant de témoignages d’affection ; de sorte qu’au lieu d’avoir quelque plaisir dans son ménage, elle ne travailloit qu’à lui donner tous les jours des mécontentemens.

Lorsque le président s’étoit retiré à Pontoise, il avoit fait transporter beaucoup de meubles précieux de son logis pour les mettre en sûreté ; et il s’étoit vendu aussi quelque vaisselle d’argent. Or, comme

  1. Au hoca : Jeu de hasard fort à la mode alors, et que des édits proscrivirent dans la suite.