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quelquefois à sa femme qu’il croyoit qu’elle eût été très-agréable pour un autre ; mais que pour lui, elle ne lui pouvoit plaire. On disoit aussi qu’il y avoit cette différence entre son mari et elle, qu’il l’estimoit et ne l’aimoit point ; au lieu qu’elle l’aimoit et ne l’estimoit point. En effet, elle lui témoignoit de l’affection ; mais comme elle a l’esprit vif et délicat, elle ne l’estimoit pas beaucoup : et elle avoit cela de commun avec la plupart des honnêtes gens ; car, bien qu’il eût quelque esprit et qu’il fût assez bien fait de sa personne, on ne s’accommodoit point de lui, et il passoit presque partout pour fâcheux[1] ; de sorte que peu de gens l’ont regretté, encore que quelques-uns l’aient plaint d’être mort en une si grande jeunesse. Il étoit étrangement frondeur, comme parent du coadjuteur ; et durant la guerre de Paris ce fut lui qui commanda le régiment de Corinthe, que le coadjuteur leva pour le parlement[2].

Cette madame de Gondran est fille de M. Bigot de La Honville, secrétaire du Roi et contrôleur général des gabelles, et de la fille aînée du bonhomme Sarrau, aussi secrétaire du Roi, qui étoit de Guienne, et avoit fait sa fortune avec le maréchal de Biron. C’est une fort belle femme : dès qu’elle étoit fort jeune, et portant encore la robe de couleur, on commença à parler de sa beauté ; et comme sa mère étoit

  1. Fâcheux : Le dictionnaire de Trévoux dit que les fâcheux sont de certaines gens qui semblent n’être au monde que pour fatiguer et importuner les autres. La comédie de Molière confirme en tout cette définition.
  2. Conrart commet ici une erreur ; le régiment de Corinthe ne fut pas confié par le cardinal de Retz au marquis de Sévigné, mais à Renaud, oncle du marquis. (Voyez les Mémoires de Joly, tome précédent, page 51.)