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DE CONRART. [1652]

nuant à lui porter, se découvrit ; et l’autre ayant pris son temps lui présenta l’épée pour parer, dans laquelle Sévigné s’enferra lui-même, et reçut un coup au travers du corps, de biais, mais qui ne perçoit pas d’outre en outre. Le combat finit par là, car Sévigné tomba de ce coup ; et ayant été ramené à Paris, les chirurgiens le jugèrent mort dès qu’ils eurent vu sa blessure. Il en reçut la nouvelle avec chagrin, et ne se pouvoit résoudre à mourir à l’âge de vingt-sept ans. Il ne dura que jusques au lendemain matin : tous ses amis l’allèrent voir, et particulièrement Gondran, mari de la dame que l’on disoit être l’occasion de la querelle, car il le croyoit de ses meilleurs amis ; et voyant qu’il étoit impossible de le sauver, il s’en plaignoit plus que pas un autre, comme faisant une perte dont il ne se pouvoit consoler.

Sévigné avoit épousé[1] la fille unique du baron de Chantal et de la fille de Colanges[2], qui avoit été autrefois fermier des gabelles avec Jacquet, Figers et Bazin. Quoiqu’elle soit fort jolie et fort aimable, il ne vivoit pas bien avec elle, et avoit toujours des galanteries à Paris. Elle, de son côté, qui est d’une humeur gaie et enjouée, se divertissoit autant qu’elle pouvoit ; de sorte qu’il n’y avoit pas grande correspondance entre eux. Il l’avoit menée depuis peu en basse Bretagne où est son bien, et faisoit état de l’y laisser long-temps. Pour lui, il étoit revenu à Paris il y avoit fort peu, lorsque cette querelle lui fut faite par le chevalier d’Albret. On dit qu’il disoit

  1. Le premier août 1644.
  2. La fille de Colanges : Marie de Coulanges. Ce nom s’écrivoit Colanges ; le cousin de madame de Sévigné est le premier qui ait signé Coulanges.