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[1652] MÉMOIRES

qui, selon le bruit commun, n’étoit pas mal avec elle, lui avoit tenu des discours à son désavantage, depuis lesquels elle lui avoit fait dire trois ou quatre fois qu’elle n’étoit pas chez elle, lorsqu’il l’y étoit allé chercher. Pour s’en éclaircir, il pria Saucourt[1], qui est de ses amis, de savoir du marquis de Sévigné si ce qu’on lui avoit dit étoit vrai, parce qu’il ne lui avoit jamais donné sujet de lui rendre de mauvais offices. Sévigné dit à Saucourt qu’il n’avoit jamais parlé au désavantage du chevalier d’Albret ; mais qu’il ne le lui disoit que pour rendre témoignage à la vérité, et non pas pour se justifier, parce qu’il ne le faisoit jamais que l’épée à la main. Saucourt lia la partie avec lui pour vendredi après midi 3 février 1651, et s’obligea de faire trouver le chevalier d’Albret derrière Picque-Puce[2]. Il s’y rendit à l’heure qui avoit été dite, et Sévigné aussi, qui avoit fait porter des épées. Il dit d’abord au chevalier d’Albret qu’il n’avoit jamais parlé de ce qu’on lui avoit rapporté, et qu’il étoit son serviteur. En disant cela ils s’embrassèrent, et ensuite le chevalier dit qu’il ne falloit pas laisser de se battre : Sévigné répondit qu’il l’entendoit bien ainsi, et qu’il n’eût pas voulu ne se point battre. Aussitôt ils se mirent en présence, et Sévigné porta trois ou quatre bottes au chevalier, qui eut ses chausses percées, mais ne fut point blessé. Sévigné, conti-

  1. Saucourt : Antoine-Maximilien de Bellefourière, marquis de Soyecourt, grand veneur de France en 1670. On prononcoit Saucourt par contraction.
  2. Pique-Puce : ou Picpus. Un couvent de pénitens réformés du tiers ordre de saint François a donné son nom à ce quartier, situe à l’extrémité du faubourg Saint-Antoine. Ce lieu, peu fréquenté aujourd’hui, devoit être alors extrêmement désert.