Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 48.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
[1652] MÉMOIRES

grands amis dès leur jeunesse ; et se voyant dans le péril, ils s’étoient promis de ne se point quitter. Comme ils étoient donc dans cette salle où ces trente hommes entrèrent, chacun essaya de faire sa composition avec celui qui le fouilla ; et étant tombés d’accord, ils sortirent de la salle, descendirent par le même petit degré par où les trente coquins étoient montés, lequel étant fort caché, ils ne furent point aperçus. Celui qui conduisoit Doujat savoit les êtres de l’hôtel-de-ville, et il les fit descendre dans une cave fort longue et fort obscure, à l’entrée de laquelle il demanda à Doujat qui il étoit. Doujat répondit qu’il étoit un avocat qui demeuroit auprès de Saint-Severin. « Diable ! dit le conducteur, il ne faut pas dire cela, si tu veux que je te sauve : il faut dire que tu es un pauvre marchand de la rue Saint-Denis, et que je suis ton compère. » Il lui avoit déjà pris son chapeau, qui étoit de castor et tout neuf, avant que de partir de la salle, et lui avoit donné le sien, qui étoit un méchant chapeau gris, vieux et gras, fort large d’entrée, et qui n’avoit que deux doigts de bord ; mais, pour le déguiser davantage, il lui donna à porter un mousqueton qu’il avoit, et le faisoit marcher fort vite, disant toujours : « Allons, allons, compère ; marche, tirons-nous d’ici. » Ils allèrent ainsi tous quatre à tâtons jusqu’au sortir de cette cave ; mais quand ils furent dans la rue ils se séparèrent, celui qui conduisoit Le Gras voulant prendre à droite, et celui qui menoit Doujat à gauche.

Le Gras fut rencontré par des gens qui le blessèrent à mort, et il expira dès le soir. L’un des neveux de sa femme étoit présent quand il fut attaqué, et il