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DE CONRART. [1652]

ils tuèrent plus de cent cinquante hommes des assaillans, dont on jetoit les corps à l’instant dans la rivière ; et je sais d’un homme qui étoit alors dans une maison proche, qu’il y en vit jeter plusieurs. S’il y eût eu des munitions dans l’hôtel-de-ville, et deux cents hommes avec des armes pour le garder, c’est une chose assurée que le carnage eût été furieux dans la Grève, et que le nombre des morts eût tellement effrayé la populace, que non-seulement elle eût été obligée de se retirer et les soldats aussi ; mais le corps de ville eût recouvré son autorité, et fût demeuré maître du peuple.

Le maréchal de L’Hôpital, après avoir donné tous les ordres qu’il put pour la défense de l’hôtel-de-ville, voyant une attaque si violente et les portes qui brûloient, crut qu’il alloit être forcé ; et comme il savoit que c’étoit principalement à lui et au prévôt des marchands qu’on en vouloit, il songea à sa retraite ; et ayant rencontré un valet de chambre[1] d’un nommé M. Croisé, logé dans une auberge en la rue de la Tixeranderie, assez proche de la Grève, qui s’offrit de le mener en sûreté dans cette auberge, quoiqu’il ne le connût point, il se fia néanmoins à lui, et le suivit. Ce valet de chambre passa facilement, étant connu dans le quartier, et n’ayant pas grand chemin à faire ; joint que le maréchal de L’Hôpital avoit quitté de bonne heure son cordon bleu et son

  1. Un valet de chambre : Le cardinal de Retz dit que le maréchal de L’Hôpital fut sauvé par le président de Barentin, et par un garçon de Paris appelé Noblet. Suivant Joly, le maréchal fut sauvé par un gentilhomme nommé Dauvilliers, aidé d’un valet de chambre. On ne trouve nulle part des détails aussi circonstanciés que dans ces Mémoires.