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j’avois beaucoup de refroidissement pour elle, et que j’avois même un commerce avec la cour dont je ne lui disois rien. Je crus d’abord qu’elle se moquoit, parce qu’il n’y avoit pas seulement ombre d’apparence à ce qu’elle me disoit ; et je ne connus qu’elle parloit tout de bon qu’après qu’elle m’eut dit qu’elle n’ignoroit rien de ce qu’un tel valet de pied de la Reine m’apportoit tous les jours. Il est vrai qu’il y avoit un valet de pied de la Reine qui, depuis quelque temps, venoit très-souvent chez moi : mais il est vrai aussi qu’il ne m’apportoit rien, et qu’il n’y venoit que parce qu’il étoit parent d’un de mes gens. Je ne sais par quel hasard elle sut cette fréquentation : je sais encore moins ce qui la put obliger à en tirer des conséquences. Enfin elle les tira ; elle ne put s’empêcher de murmurer et de menacer. Elle dit en présence de Seguin, qui avoit été valet de chambre de madame sa mère, et qui avoit quelques charges chez le Roi ou chez la Reine, que je lui avois avoué mille fois que je ne concevois pas comment l’on eût pu être amoureux de cette Suissesse. Enfin elle fit si bien par ses journées que la Reine eut vent que je l’avois traitée de Suissesse, en parlant à mademoiselle de Chevreuse. Elle ne me l’a jamais pardonné, comme vous le verrez dans la suite ; et j’appris que ce mot obligeant avoit été jusqu’à elle, justement trois ou quatre jours avant que M. le prince arrivât à Paris. Vous concevez aisément que cette circonstance, qui ne marquoit pas que j’eusse lieu d’espérer qu’il pût y avoir à l’avenir beaucoup de douceur pour moi à la cour, n’affoiblissoit pas les pensées que j’avois déjà de sortir d’affaire. Le lieu de la retraite n’étoit pas trop