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l’armée, pour lui dire qu’il seroit dans trois jours à Paris. Cette nouvelle fut un coup de foudre pour Monsieur. Il m’envoya querir aussitôt, et il s’écria en me voyant : « Vous me l’aviez bien dit : quel embarras ! quel malheur ! nous voilà pis que jamais. » J’essayai de le remettre, mais il me fut impossible ; et tout ce que j’en pus tirer fut qu’il feroit bonne mine, et qu’il cacheroit son sentiment à tout le monde avec le même soin avec lequel il l’avoit déguisé à Gourville. Il s’acquitta très-exactement de sa parole : car il sortit du cabinet de Madame avec le visage du monde le plus gai. Il publia la nouvelle avec de grandes démonstrations de joie, et il ne laissa pas de me commander un quart-d’heure après de ne rien oublier pour troubler la fête, c’est-à-dire pour essayer de mettre les choses en état d’obliger M. le prince à ne faire que fort peu de séjour à Paris. Je le suppliai de ne me point donner cette commission, « laquelle, monsieur, lui dis-je, n’est pas de votre service pour deux raisons. La première est que je ne la puis exécuter qu’en donnant au cardinal un avantage qui ne vous convient pas et l’autre, que vous ne la soutiendrez jamais, de l’humeur dont il a plu à Dieu de vous faire. » Cette parole, dite à un fils de France vous paroîtra sans doute peu respectueuse ; mais je vous prie de considérer que Saint-Rémi lieutenant de ses gardes, la lui avoit dite à propos d’une bagatelle deux ou trois jours devant ; que Monsieur avoit trouvé l’expression plaisante, et qu’il la redisoit depuis ce jour-là à toute occasion. Dans la vérité elle n’étoit pas impropre pour celle dont il s’agissoit, comme vous le verrez par la suite. La contestation fut assez forte,