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prince que dans les miens). Je ne tins pas le cas secret à Monsieur, qui en fut fort piqué. Je pris ce temps pour le supplier de trouver bon que je fisse voir en sa présence à ces messieurs qu’ils n’étoient point en état d’éblouir des yeux sans comparaison moins forts en tous sens que les siens. Comme il me vouloit faire expliquer, on vint lui dire que messieurs de Beaufort et de Nemours étoient dans sa chambre. Je l’y suivis, quoique ce ne fût pas ma coutume, parce que je n’avois pas encore le bonnet ; et comme on entra en conversation publique (car il y avoit du monde jusqu’à faire foule), je mis mon chapeau sur ma tête aussitôt qu’il eut mis le sien. Il le remarqua, et à cause de ce que je venois de lui dire, et à cause que je ne l’avois jamais voulu faire, quoiqu’il me le commandât toujours. Il en fut très-aise, et il affecta d’entretenir la conversation plus d’une grosse heure, après laquelle il me prit en particulier, et me ramena dans la galerie. Vous jugez bien qu’il falloit qu’il fût en colère : car je crois qu’il y avoit dans sa chambre plus de cinquante écharpes rouges, sans les isabelles. Cette colère dura tout le soir : car il me dit le lendemain que Goulas, secrétaire de ses commandemens, et intime de M. de Chavigny, étant venu lui dire avec un grand empressement que tous les officiers étrangers prenoient de grands ombrages des longues conversations que j’avois avec lui, il l’avoit rebuté avec une fort grande aigreur, en lui disant : « Allez au diable, vous et vos officiers étrangers ! s’ils étoient aussi bons frondeurs que le cardinal de Retz, ils seroient à leurs postes, et ils ne s’amuseroient pas à ivrogner dans les cabarets de Paris. » Ils partirent enfin, et