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quelle ils exercent la charge que vous leur avez commise, de surintendant de tous les espions du royaume. Cependant ils songent bien plus à leur considération particulière qu’à la sûreté des affaires de Votre Éminence ; et comme la division qui est entre vous et le cardinal de Retz est la chose du monde qu’ils voient vous être la plus sensible, ils n’ont point sur ce sujet de bornes dans leurs emportemens : non pas pour vous y servir, mais pour vous en donner toutes les apparences ; se souciant peu du succès, portant même leurs espérances au delà de votre fortune, et en formant encore de plus grandes sur les engagemens les plus secrets, et les cabales particulières dans lesquelles on sait qu’ils sont engagés. C’est pour cela que l’on voit quelquefois quelques-uns d’entre eux qui parlent si indifféremment de Votre Éminence, qui ne veulent pas reconnoître les grâces et les bienfaits qu’ils tiennent de sa main, et qui sont assez insole ris pour se dire les seuls artisans de leur bonne fortune.

Enfin, monseigneur, ce sont ces sortes de gens qui vous ont conseillé le siège de Paris, la prison de M. le prince, celle de M. le cardinal de Retz. C’est eux qui veulent incessamment profiter du retranchement des rentes de l’hôtel-de-ville ; qui inventent mille nouveaux édits contre lesquels ils font eux-mêmes soulever le parlement par les cabales qu’ils y entretiennent ; qui vous obligent d’y mener le Roi en justaucorps et en équipage de guerre, pour y faire une action qui n’a jamais eu d’exemple, et dont il faut que la majesté royale fasse comme une espèce de satisfaction à ses sujets. C’est eux aussi qui vous font traiter avec Cromwell d’une manière si basse et si injurieuse à toute la nation française ; qui vous conseillent de baisser notre pavillon devant ses vaisseaux, et qui veulent bien lui accorder la qualité de protecteur des religionnaires de ce royaume. C’est eux qui ont dressé cet arrêt du conseil qui adjuge à Votre Éminence les prétendus dix millions qu’elle dit avoir employés de ses deniers au service de la couronne ; et c’est eux enfin qui vous flattent du mariage de l’une de vos nièces avec Sa Majesté, et qui voudroient quasi nous faire croire que vous seriez assez téméraire pour mêler votre sang parmi celui des dieux, et pour vous associer à notre empire.