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contre un ministre étranger qu’ils voient, malgré leurs souhaits et leurs désirs, le tyran de leurs vies : pendant que les princes du sang n’ont aucune part dans la direction du royaume, pendant qu’ils sont exilés ou obligés de chercher un refuge chez les ennemis de l’État, et pendant que cinq ou six fripons, qui abusent du sacré nom du prince, triomphent impunément sur le pavé de Paris de la dépouille du royaume, se moquant en eux-mêmes de la facilité du ministre qui les souffre ?

Je ne veux point m’étendre sur les sujets de mécontentement des peuples. Je dirai seulement en passant qu’il n’y a presque point de famille dans Paris qui, outre les maux généraux, ne soit intéressée par l’exil ou la persécution particulière de quelques-uns des siens. Cela étant, Votre Éminence peut-elle s’imaginer que cette grande ville, qui donne le branle et le mouvement à tout le royaume, puisse long-temps retenir ses inquiétudes et ses chagrins ; et que ce feu qui couve sous la cendre ne rallume pas enfin quelque embrasement funeste ? Quelle occasion plus belle peut-on donner aux mécontens et de quel prétexte plus légitime pourroit-on armer leur révolte, que des violences que l’on fait à leur conscience et à leur religion ? C’est un mouvement qui tombe dans les esprits avec force, et qui fait ordinairement plus d’impression sur ceux qui lui résistent. Qui peut dans la circonstance présente, douter dans Paris que M. le cardinal de Retz n’en soit véritable et légitime pasteur ? Peut-il rester quelque scrupule, après les déclarations publiques d’un pape[1] que tous les peuples connoissent si amateur de la justice et de la paix ? Le pallium que Sa Sainteté a donné à M. le cardinal de Retz, et les défenses qu’il a fait faire par son nonce au chapitre de s’immiscer dans la juridiction spirituelle du diocèse, sont des décisions qui n’ont point de réponse. J’ose même ajouter que dans cette occasion le peuple ne témoigne pas seulement une soumission pure et simple aux ordres du Saint-Siège : il est vrai de dire qu’il le fait avec joie et qu’il y est comme porté par avance, par l’inclination qu’il a pour M. le cardinal de Retz.

Tous les placards et les libelles qu’il voit affichés ou publiés dans les rues, contre l’honneur et la conduite de son prélat, ne

  1. On parle ici du pape Alexandre vii.