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contre la démission de M. le cardinal de Retz. Je m’en remets à la décision de vos plus confidens, et à ce que vous en pensez vous-même. Je ne veux point pareillement faire impression sur votre esprit par les maximes de la conscience et de l’Église : je sais bien que ces sortes de raisons sont toujours les dernières dans l’esprit des ministres et des politiques. Il me suffit de faire voir à Votre Éminence que toute l’opposition que l’on forme, sous le nom de Sa Majesté, au retour de M. le cardinal de Retz dans l’archevêché de Paris, est un biais qui lui met les armes à la main, dont les suites seront sans doute fâcheuses au royaume et à votre personne particulière ; qu’en lui accordant au contraire dans cette occasion ce que l’on ne lui peut justement refuser, on lui ôte toutes sortes de prétextes, on évite tous les mauvais pas que l’on trouveroit indubitablement dans la suite de l’affaire ; et qu’enfin ceux qui donnent ces sortes de conseils à Votre Éminence sont les mêmes qui pour leur intérêt particulier et pour se rendre considérables, l’ont précipitée dans toutes les disgrâces passées ; qu’ils cherchent peut-être de donner dans cette conjoncture le dernier coup à votre fortune, dont ils espèrent être les successeurs ; et qu’ils le font avec d’autant plus d’avantage et de sûreté, que c’est sous le prétexte de conseil, de secours et d’amitié.

Je supplie donc Votre Éminence de considérer l’état présent du royaume ; et la disposition des esprits qui composent tout ce grand corps. On peut dire en vérité qu’il n’y en a guère qui ne conserve dans son ame un reste de cette haine qui parut lors de la guerre de Paris contre votre ministère et contre votre personne ; et si nous voyons présentement et depuis le retour du Roi dans Paris quelque calme extérieur dans les esprits, il n’y a personne qui ne sache bien que la seule raison de ce repos apparent, que l’on peut appeler un assoupissement plutôt qu’un véritable sommeil, est bien plus la lassitude des maux passés que la satisfaction de l’état présent ou l’on se trouve.

On a vu fort peu de campagnes, depuis trois ou quatre années, dans lesquelles on n’ait fait des vœux publics pour la prospérité des armes de M. le prince. En effet n’est-il pas facile de croire, à qui voudra juger des choses sans flatterie et sans passion, qu’il est impossible que tous les Français ne conservent un venin secret