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Sauvages, avec le moins de bruit qu’il se pourroit. Thomas Assereto fut commandé pour se saisir de cette porte, en donnant le mot qu’il pouvoit aisément savoir, parce qu’il avoit charge sous Jeannetin Doria. Comme cette action étoit le point le plus important de l’entreprise, parce que, si elle ne réussissoit pas, ceux qui étoient sur la galère de Fiesque ne pouvoient avoir de communication avec les autres conjurés, on jugea à propos, pour la rendre encore plus aisée, que Scipion Borgognino, sujet du comte et déterminé soldat, se jetât dans la Darsène avec des felouques armées, et mît pied à terre de ce côté-là, en même temps que Thomas Assereto attaqueroit cette porte par dehors. Il fut aussi résolu qu’au moment que Hiérôme et Ottobon de Fiesque se seroient rendus maîtres de la porte de Saint-Thomas qui est proche du palais de Doria, l’un d’eux l’iroit forcer et tuer André et Jeannetin. Et parce qu’il y avoit quelque sujet de croire que Jeannetin, s’éveillant au bruit qui se feroit aux portes, pourroit se mettre sur la felouque de Louis Giulia pour y venir donner ordre, on laissa trois felouques armées pour y prendre garde. À ces ordres il en fut ajouté un général, que tous les conjurés appelassent le peuple avec le nom de Fiesque, et criassent liberté, afin que ceux de la ville de l’affection desquels on étoit assuré ne se trouvassent point surpris, et que voyant que le comte étoit auteur de cette affaire, ils se joignissent à ses gens.

Il n’est pas aisé de décider s’il n’eût point été plus avantageux et plus sûr de ne faire qu’un gros de toutes ces troupes qui étoient séparées en tant de quartiers différens et éloignés les uns dès autres, que de les désunir, parce que le nombre en étoit assez considérable pour croire que, si elles fussent entrées par un même endroit dans la ville, elles auroient poussé tout ce qui se seroit présenté devant elles, et auroient attiré le peuple en faveur du parti victorieux partout où elles auroient passé au lieu qu’étant divisées elles ne pouvoient agir que foiblement au hasard de faire des contre-temps et d’être défaites l’une après l’autre. Car il est certain qu’il faut une grande justesse pour accorder l’heure des attaques, et bien du bonheur pour qu’elles réussissent également. Tant de bras et de têtes doivent en ces rencontres concourir à une même action, que la moindre faute déconcerte bien