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toutes ses forces où le comte hasardoit toute sa fortune. Qu’il ne pouvoit comprendre comment on conseilloit à Jean-Louis de résister lui seul aux armes de l’Empire, de l’Espagne et de l’Italie, qui s’uniroient assurément contre lui ; que l’on pouvoit bien prendre une ville par une entreprise, mais non pas assurer un État ; que le dernier ne se pouvoit faire sans une longue suite d’années, des forces et des alliances ; et que la pensée de se rendre souverain de Gênes dans la disposition où se trouvoient les affaires de l’Europe, étoit une résolution téméraire, que l’on vouloit faire passer sous le nom d’une entreprise glorieuse. Verrina résista de tout son pouvoir à ce raisonnement de Raphaël Sacco, et remit dans l’esprit du comté les raisons qu’il avoit apportées sur ce sujet dans son discours ; en lui représentant, plus fortement qu’il n’avoit fait, que les amitiés des princes ne duroient jamais davantage que leurs intérêts ; et qu’encore que la faveur de la maison d’Autriche semblât inséparablement attachée aux Doria, parce qu’ils lui étoient utiles, elle finirait dès qu’ils ne le seroient plus. Au lieu que si l’Empereur voyoit Jean-Louis en état de le servir ou de lui nuire, il oublieroit bientôt les services des autres pour rechercher son amitié : mais que s’il appeloit les Français, outre qu’ils se lassent aisément de toutes choses, et que leur application aux affaires étrangères est sujette aux révolutions fréquentes du dedans du royaume, et dépend du génie de ceux qui gouvernent, il se fermeroit toutes les voies d’accommodement avec l’Empereur, dont la puissance étoit plus considérable en Italie que la leur ; qu’il suffiroit enfin de rechercher le secours de la France lorsqu’il se verroit entièrement exclus de l’alliance de l’Empire : et qu’elle auroit en ce cas tant d’intérêt à ne le point abandonner, qu’elle ne manqueroit pas de le secourir ; parce que le comte Jean-Louis demeurant le maître de Gênes, les Français seroient toujours dans la crainte qu’il ne s’accordât avec leurs ennemis, s’ils lui refusoient les assistances nécessaires pour sa défense : qu’au reste il n’étoit pas besoin de plus grandes forces pour réussir dans ce dessein que celles qu’il pouvoit avoir de lui-même, puisqu’il savoit bien qu’il n’y avoit que deux cent cinquante hommes de guerre dans Gênes et que les galères de Jeannetin Doria étoient entièrement désarmées. Ces raisons donnèrent le dernier coup dans l’esprit du comte, parce