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ment opposée à l’intérêt, qui soit capable de vous porter à un si grand dessein. Si vous êtes délicat jusques au point de ne pouvoir souffrir l’apparence du blâme, qui vous empêchera de rendre à votre république la liberté que vous lui aurez acquise, et de lui remettre entre les mains la couronne que vous aurez si bien méritée ? Alors il ne tiendra qu’à vous de donner un témoignage éclatant du mépris que vous faites de tous les intérêts du monde, quand vous les pouvez séparer de l’honneur. La seule chose qui me reste à vous représenter, c’est qu’il me semble que vous ne devez pas vous servir des Français. Les intelligences avec les étrangers sont toujours extrêmement odieuses ; mais celle-ci, dans les conjonctures présentes, ne vous sauroit être utile, parce que, comme Calcagno l’a remarqué, la France est maintenant assez empêchée à se défendre contre les forces de l’Empire et de l’Espagne, qui l’attaquent puissamment de tous côtés. Mais quand vous en pourriez tirer de l’assistance, songez que la condition où vous passeriez ne seroit qu’un changement de servitude, et que vous seriez l’esclave des Français, au lieu que vous pouvez être leur allié. Jugez enfin si c’est le parti d’un homme habile, de mérite et de qualité, comme vous êtes, de se résoudre à tout souffrir, et d’être la victime de l’insolence de Doria ; ou bien en hasardant toutes choses pour secouer le joug de sa tyrannie de vous exposer sans besoin à devenir l’esclave d’une puissance étrangère, et de vous renfermer, comme auparavant, dans les bornes de la fortune d’un particulier. »

Raphaël Sacco, qui servoit de juge dans les terres de la maison de Fiesque, et qui étoit le troisième qui fut appelé à ce conseil, voyant bien que le comte penchoit absolument du côté des sentimens de Verrina, crut qu’il seroit inutile de les contredire : et jugeant d’ailleurs que cette action étoit extrêmement périlleuse, il ne voulut pas lui conseiller de l’entreprendre, et ne déclara point ses pensées sur ce sujet, se remettant entièrement, pour le gros de l’affaire, aux volontés de son maître. C’est pourquoi il ne songea qu’à soutenir seulement que si elle étoit entièrement résolue, il étoit nécessaire de se servir des Français, disant que ce seroit une imprudence extraordinaire de ne pas employer tout son crédit et