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sieur par leurs calomnies, qui étoient appuyées de toute l’intrigue du cabinet, dans laquelle Ravay, Belloy et Goulas, partisans de M. le prince, n’étoient point ignorans. J’éprouvai en cette rencontre que les plus habiles courtisans peuvent être de fort grosses dupes, quand ils se fondent trop sur leurs conjectures. Celles que ces messieurs tirèrent de ma promotion au cardinalat furent que je n’avois obtenu le chapeau que par le moyen des engagemens que j’avois pris avec la cour. Ils agirent sur ce principe : ils me déchirèrent auprès de Monsieur sur ce titre. Comme il en savoit la vérité, il s’en moqua. Ils m’établirent dans son esprit au lieu de m’y perdre, parce qu’en fait de calomnie tout ce qui ne nuit pas sert à celui qui est attaqué ; et vous allez voir le piège que les attaquans se tendirent à eux-mêmes à cette occasion. Je disois un jour à Monsieur que je ne concevois pas comme il ne se lassoit pas de toutes les sottises qu’on lui disoit tous les jours contre moi sur le même ton ; et il me répondit : « Ne comptez-vous pour rien le plaisir que l’on a à connoître tous les matins la méchanceté des gens couverte du nom de zèle, et tous les soirs leurs sottises déguisées en pénétrations ? » Je dis à Monsieur que je recevois cette parole avec grand respect, et comme une grande et belle leçon pour tous ceux qui avoient l’honneur d’approcher des grands princes.

Ce que les serviteurs de M. le prince faisoient contre moi parmi le peuple faillit à me coûter plus cher. Ils avoient des criailleurs à gages, qui m’étoient plus incommodes en ce temps-là qu’ils ne l’avoient été auparavant, parce qu’ils n’osoient paroître devant la nombreuse suite de gentilshommes et de livrées qui