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les vues trop affoiblies des Génois ne sauroient aller ; et s’ëlève, par son courage, au dessus de la corruption générale. Pour connoître si un homme est né pour les choses extraordinaires, il ne faut pas seulement le considérer selon les avantages de la nature et de la fortune, parce qu’il s’est trouvé quantité de personnes qui ont possédé parfaitement les uns et les autres, et qui sont néanmoins demeurées toute leur vie dans le train d’une conduite fort commune ; mais il faut remarquer si un homme de condition, se trouvant dans des conjonctures extrêmement mauvaises, et dans un pays où une tyrannie se forme, conserve alors les semences des vertus, et les belles qualités que sa naissance lui a données. Car s’il ne les perd pas dans ces rencontres, et s’il résiste à la contagion de ces maximes lâches qui infectent tout le reste du monde, et particulièrement les esprits des grands (parce que les tyrans prennent plus de peine à les corrompre, comme ceux qu’ils craignent davantage) ; alors on doit juger que sa réputation sera un jour égale à son mérite, et que la fortune le destine à quelque chose de merveilleux. Cela étant, monsieur, je ne crois pas qu’il y ait jamais eu personne de qui la république ait pu attendre avec justice de si grandes choses qu’elle en doit espérer de votre courage. Vous êtes né dans des temps qui ne vous produisent presque aucun exemple de force et de générosité qui n’ait été puni, et qui nous en représentent tous les jours, de bassesse et lâcheté qui sont récompensés. Ajoutez à cela que vous êtes dans un pays où la puissance de la maison de Doria tient le cœur de toute la noblesse abattu par une honteuse crainte, ou engagé par un intérêt servile : et cependant vous ne tombez point dans cette bassesse générale. Vous soutenez ces nobles sentimens que votre illustre naissance vous inspire, et votre esprit forme des entreprises dignes de votre valeur. Ne négligez donc point ces qualités admirables ; n’abusez pas des grâces que la nature vous a faites ; servez votre patrie ; jugez, par la beauté de vos inclinations, de la grandeur des actions qu’elles peuvent produire ; songez qu’il ne faut qu’un homme seul de votre condition et de votre mérite pour redonner cœur aux Génois, et les enflammer du premier amour de leur liberté. Représentez--