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servant son pays, si l’extrême pouvoir de Jeannetin Doria dont nous avons déjà parlé, lui eût laissé quelque lieu d’y espérer de l’emploi. Mais comme il étoit trop grand par sa naissance et trop estimé par ses : bonnes qualités pour ne donner pas de l’appréhension à celui qui vouloit attirer à lui seul toute la réputation et les forces de la république, il voyait bien qu’il ne pouvoit avoir de prétentions raisonnables en un lieu où son rival étoit presque le maître parce qu’il est certain que tous ceux qui prennent de l’ombrage dans les premières places ne songent jamais aux intérêts de celui qui le donne, que pour le ruiner. Voyant donc qu’il devoit tout appréhender de l’élévation de Doria et qu’il n’avoit rien à espérer pour la sienne, il crut être obligé de prévenir par son esprit et par son courage les mauvaises suites d’une grandeur si contraire à celle de sa maison : n’ignorant pas qu’il ne faut jamais rien attendre des personnes qui se font craindre, qu’une extrême défiance, et un abaissement continuel de ceux qui ont quelque mérite, et qui sont capables de s’élever.

Toutes ces considérations mettant dans le cœur de Jean-Louis de Fiesque le désespoir de s’agrandir dans le service de sa patrie, lui firent prendre le dessein d’abattre la puissance de la famille de Doria avant qu’elle eût acquis de plus grandes forces : et comme le gouvernement de Gênes y étoit attaché, il forma la résolution de joindre le changement de l’un à la perte de l’autre.

Les grands fleuves ne font jamais de mal tant que rien n’empêche leur cours ; mais au moindre obstacle qu’ils rncontrene, ils s’emportent avec violence et la résistance d’une petite digue est cause bien souvent qu’ils inondent les campagnes qu’ils arroseraient avec utilité.

Ainsi l’on peut juger que si le naturel du comte de Fiesque n’eût point trouvé le chemin de la gloire traversé par l’autorité des Doria, il fût assurément demeuré dans les bornes d’une conduite plus modérée, et auroit employé utilement pour le service de la république les mêmes qualités qui pensèrent la ruiner.

Ces sentimens d’ambition furent entretenus dans l’esprit du comte, par les persuasions de beaucoup de personnes qui espéroient de trouver leurs avantages dans les désordres publics ; mais surtout par les sollicitations pressantes des Français, qui lui firent