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tion le poids des obligations qu’ils ont à leurs bienfaiteurs. Ceux qui sont sujets au premier ne s’en doutent pas davantage, parce que la complaisance qu’ils trouvent à s’être attachés avec fidélité à une fortune qui n’est pas bonne fait qu’ils ne connoissent pas le chagrin qu’ils en ont eu plus de dix fois par jour.

Madame de Pommereux m’écrivit un jour, à propos d’un malentendu qui étoit arrivé entre messieurs de Caumartin et de La Houssaye, que les amis des malheureux étoient un peu difficiles ; elle devoit ajouter : et les domestiques. La familiarité, de laquelle un grand seigneur qui est honnête homme se défend moins qu’un autre, diminue insensiblement du respect, dont l’on ne se dispense jamais dans l’exercice journalier de la grandeur. Cette familiarité produit, au commencement, la liberté de parler ; celle-là est bientôt suivie de la liberté de se plaindre. La véritable sève de ces plaintes est l’imagination que l’on a que l’on seroit bien mieux ailleurs qu’auprès du disgracié. On ne s’avoue pas à soi-même cette imagination, parce que l’on connoît qu’elle ne conviendroit pas à l’engagement d’honneur que l’on a pris, ou au fond de l’affection que l’on ne laisse pas assez souvent de conserver dans ces indispositions. Ces raisons font que l’on se déguise, même de bonne foi, ce que l’on sent dans le plus intérieur de son cœur ; et que le chagrin que l’on a de la mauvaise fortune à laquelle on a part prend à tous les momens d’autres objets. La préférence de l’un à l’autre, souvent nécessaire et même inévitable en mille et mille occasions, leur paroît toujours une injustice. Tout ce que le maître fait pour eux de plus difficile n’est que devoir ; tout