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pas ensevelir tout-à-fait dans le silence un détail qui leur pût être de quelque utilité. Ils sont d’une naissance qui peut les élever assez naturellement aux plus grandes places : et rien n’est plus nécessaire à mon sens, à ceux qui s’y peuvent trouver, que d’être informés, dès leur enfance, qu’il n’y a que la continuation du bonheur qui fixe la plupart des amitiés. J’avois le naturel assez bon pour ne le pas croire, quoique tous les livres me l’eussent déclaré. Il n’est pas concevable combien j’ai fait de fautes par le principe contraire ; et j’ai été vingt fois sur le point, dans ma disgrâce, de manquer du plus nécessaire, parce que je n’avois jamais appréhendé dans mon bonheur de manquer du superflu. C’est par la même considération de messieurs vos enfans que j’entrerai dans une minutie qui ne seroit pas, sans cette raison, digne de votre attention. Vous ne pouvez pas vous imaginer ce que c’est que l’embarras domestique dans les disgrâces. Il n’y a personne qui ne croie faire honneur à un malheureux quand il le sert. Il y a très-peu d’honnêtes gens à cette épreuve, parce que cette disposition ou plutôt cette indisposition se coule si imperceptiblement dans les esprits de ceux qu’elle domine, qu’ils ne la sentent pas eux-mêmes ; et elle est de la nature de l’ingratitude. J’ai fait souvent réflexion sur l’un et sur l’autre de ces défauts, et j’ai trouvé qu’ils ont cela de commun que la plupart de ceux qui les ont ne soupçonnent pas seulement qu’ils les aient. Ceux qui sont atteints du second ne s’en aperçoivent que parce que la même foiblesse qui les y porte les porte aussi, comme par un préalable, à diminuer dans leur propre imagina-