Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas même à mon égard, comme il parut par les assistances qu’ils me donnèrent dans les suites. Ce n’est pas l’unique occasion dans laquelle j’ai remarqué que l’aversion que la plupart des hommes ont à se dessaisir fait qu’ils ne le font jamais assez tôt, même dans les rencontres où ils sont les plus résolus de le faire. Je ne me suis jamais ouvert à qui que ce soit de ce détail, parce qu’il touche particulièrement quelques-uns de mes amis. Je suis uniquement à vous, et je vous dois la vérité tout entière.

Le Pape tint consistoire le jour qui suivit l’audience dont je viens de vous rendre compte tout exprès pour me donner le chapeau. « Et comme, me dit-il, vostro protettore di quattro baiocchi (il n’appeloit jamais autrement le cardinal d’Est) est tout propre à faire quelque impertinence en cette occasion, il le faut amuser, et lui faire croire que vous ne viëndrez point au consistoire. » Cela me fut aisé, parce que j’étois, dans la vérité, très-mal de mon épaule, et si mal que Nicolo, le plus fameux chirurgien de Rome, disoit que si l’on n’y travailloit en diligence je courois fortune de tomber dans des accidens encore plus fâcheux. Je me mis au lit, sous ce prétexte, au retour de chez le Pape. Il fit courir je ne sais quel bruit touchant ce consistoire, qui aida à tromper les Français. Ils y allèrent tous bonnement, et ils furent fort étonnés quand ils m’y virent entrer avec le maître des cérémonies, et en état de recevoir le chapeau. Messieurs les cardinaux d’Est et des Ursins sortirent, et le cardinal Bichi demeura. L’on ne peut s’imaginer l’effet que ces sortes de pièces font en faveur de ceux qui les jouent bien, dans un pays où il est moins