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dedans sept ou huit écailles, moindres que des huîtres en grandeur, mais d’un goût sans comparaison plus relevé.

Le temps s’étant adouci, nous fîmes voile pour passer le golfe de Lyon, qui commence en cet endroit. Il a cent lieues de long et quarante de large, et il est extrêmement dangereux, tant à cause des montagnes de sable, que l’on prétend qu’il élève et qu’il roule quelquefois, que parce qu’il n’y a point de port. Souvent la côte de Barbarie qui le borne d’un côté n’est pas abordable ; celle de Languedoc, qui le joint de l’autre, est très-mauvaise ; enfin le trajet n’en est point agréable pour les galères, pour peu que la saison soit avancée ; et elle l’étoit beaucoup, étant fort proche de la Toussaint, qu’il fait toujours à la mer de grands coups de vent. Don Fernand, qui étoit un des hommes d’Espagne des plus aventuriers, m’avoua qu’une médiocre frégate eût été meilleure en ce rencontre que la plus forte galère. Nous passâmes le golfe en trente-six heures, avec le plus beau temps du monde, et avec un vent qui, ne laissant pas de nous servir, ne nous obligeoit presque pas à mettre sur les bougies de la chambre de poupe ces lanternes de verre dont on les couvre. Nous entrâmes ainsi dans le canal qui est entre la Corse et la Sardaigne. Don Fernand Carillo, qui vit quelques nuages qui lui faisoient appréhender changement de temps, me proposa de donner fonte à Porto-Condé, qui est un port inhabité dans la Sardaigne : ce que j’agréai. Son appréhension s’étant évanouie avec les nuages, il changea d’avis, pour ne pas perdre le beau temps ; et ce fut un grand bonheur pour moi : car