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pas devoir les recevoir, ne faisant rien pour le service du roi Catholique : et je m’en excusai sur ce titre avec tout le respect que je devois. Et comme je n’avois, ni pour moi ni pour les miens, ni linge ni habits, et que les quatre cents écus que je tirai de la vente de mes sardines furent presque consommés en ce que je donnai aux gens de M. de M. de Vateville, je le priai de me prêter quatre cents pistoles, dont je lui fis ma promesse, et que je lui ai rendues depuis.

Après que je me fus un peu rétabli, je partis de Saint-Sébastien et je pris la route de Valence, pour m’embarquer à Vivaros, où don Christoval me promit que don Juan d’Autriche, qui étoit à Barcelonne, m’enverroit et une frégate et une galère. Je passai dans une litière du corps du roi d’Espagne toute la Navarre, sous le nom du marquis de Saint-Florent, sous la conduite d’un maître d’hôtel de M. de Vateville, qui disoit que j’étois un gentilhomme de Bourgogne qui alloit servir le Roi dans le Milanais. Comme j’arrivai à Tudelle, ville assez considérable, qui est au delà de Pampelune, je trouvai le peuple assez ému : on y faisoit, la nuit, des feux et des corps-de-garde. Les laboureurs des environs s’étoient soulevés, parce qu’on leur avoit défendu la chasse : ils étoient entrés dans la ville, et ils y avoient fait beaucoup de violence, et même pillé quelques maisons. Un corps-de-garde, qui fut posé à dix heures du soir devant l’hôtellerie dans laquelle je logeois, commença à me donner quelque soupçon que l’on n’en eût pris de moi ; mais une litière du Roi, avec les muletiers de sa livrée, me rassuroit. Je vis entrer, à minuit, un certain don Martin dans ma chambre, avec une épée