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droient contre moi. On ne comprenoit pas ces raisons, qui étoient pourtant, comme vous voyez, assez bonnes ; et comme je m’en étonnois, Vateville, qui en présence du secrétaire avoit été de son avis, et même avec véhémence, me dit : « Ce voyage coûteroit cinquante mille écus au roi, peut-être l’archevêché de Paris à vous : il ne seroit bon à rien. Cependant il faut que je parle comme l’autre, ou je serois brouillé à la cour. Nous agissons sur le pied de Philippe II, qui avoit pour maxime d’engager toujours les étrangers par des démonstrations publiques. Vous voyez comme nous l’appliquons : ainsi du reste. » Cette parole est considérable, et je l’ai moi-même appliquée depuis plus d’une fois, en faisant réflexion sur la conduite du conseil d’Espagne. Il m’a paru en plus d’une occasion qu’il pèche autant par l’attachement trop opiniâtre qu’il a à ses maximes générales que l’on pèche en France par le mépris que l’on fait des générales et des particulières.

Quand don Christoval vit qu’il ne pouvoit pas me persuader d’aller à Madrid, il n’oublia rien pour m’obliger à m’embarquer sur une frégate de Dunkerque qui étoit à Saint-Sébastien et il me fit des offres immenses, en cas que je voulusse aller en Flandre traiter avec M. le prince, et me déclarer avec Mézières, Charleville et le Mont-Olympe. Il avoit raison de me proposer ce parti, qui étoit en effet du service du Roi son maître. Vous avez vu celle que j’eus de ne le pas accepter. Ce qui fut très-honnête, c’est que tous mes refus n’empêchèrent pas qu’il ne me fit apporter un petit coffre de velours dans lequel il y avoit quarante mille écus en pièces de quatre. Je ne crus