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Il ne tint pas aux Espagnols que je ne prisse un autre parti. Aussitôt que M. de Vateville m’eut reconnu pour le cardinal de Retz (ce qu’il fit en huit ou dix heures, et par les circonstances que je vous ai marquées, et par un secrétaire bordelois qu’il avoit, qui m’avoit vu à Paris plusieurs fois), il me mena chez lui dans un appartement qui étoit au plus haut étage ; et il m’y tint si couvert, que quoique M. le maréchal de Gramont, qui n’étoit qu’à trois lieues de Saint-Sébastien, eût donné avis à la cour par un courrier exprès que j’y étois arrivé, il fut trompé lui-même le jour suivant, au point d’en dépêcher un autre pour s’en dédire. Je fus trois semaines dans un lit sans me pouvoir remuer ; et le chirurgien du baron de Vateville, qui étoit fort capable, ne voulut point entreprendre de me traiter, parce qu’il étoit trop tard. J’avois l’épaule absolument démise, et il me condamna d’être estropié pour tout le reste de ma vie. J’envoyai Boisguérin au roi d’Espagne, auquel j’écrivis, pour le supplier, de me laisser passer par ses États pour aller à Rome. Ce gentilhomme fut reçu de Sa Majesté Catholique et de don Louis de Haro avec une honnêteté qui falloit au delà de tout ce que je vous puis exprimer. On le dépêcha dès le lendemain ; on lui donna une chaîne de huit cents écus ; on m’envoya une litière du corps, et l’on me dépêcha en diligence don Christoval de Chassemblac, allemand, mais espagnolisé et secrétaire des langues, très-confident de don Louis. Il n’y a point d’effort que ce secrétaire ne fît pour m’obliger d’aller à Madrid. Je m’en défendis par l’inutilité dont ce voyage seroit au service du roi Catholique, et par l’avantage que mes ennemis en pren-