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çoit de mettre tout le pays de Retz à feu et sang. Leur frayeur alla jusqu’au point de s’imaginer ou de vouloir faire croire que mon mal n’étoit que délicatesse, qu’il n’y avoit rien de démis, et que j’en serois quitte pour une contusion. Le chirurgien affidé de M. de Retz le disoit à qui le vouloit entendre ; et qu’il étoit bien rude que j’exposasse pour une délicatesse toute ma maison, qui alloit être investie au premier jour dans Machecoul. J’étois cependant dans mon lit, où je sentois des douleurs incroyables, et où je ne pouvois pas seulement me tourner. Tous ces discours m’impatientèrent au point que je pris la résolution de quitter ces gens-là et de me jeter dans Belle-Ile, où je pouvois au moins me faire transporter par mer. Le trajet étoit fort délicat, parce que M. le maréchal de La Meilleraye avoit fait prendre les armes à toute la côte. Je ne laissai pas de le hasarder. Je m’embarquai au port de La Roche, qui n’est qu’à une petite demi-lieue de Machecoul, sur une chaloupe que La Gisclaye, capitaine de vaisseau et bon homme de mer, voulut piloter lui-même. Le temps nous obligea de mouiller au Croisil, où nous courûmes fortune d’être découverts par une chaloupe qui nous vint reconnoître la nuit. La Gisclaye, qui savoit la langue et le pays, s’en démêla fort bien. Nous remîmes à la voile le lendemain à la pointe du jour, et nous découvrîmes quelque temps après une barque longue de Biscayens qui nous donnèrent la chasse. Nous prîmes la fuite à la considération de M. de Brissac qui n’eût pas pris plaisir d’être mené en Espagne, parce qu’il ne se sauvoit pas de prison comme moi, et que l’on eût pu par conséquent lui tourner en crime ce voyage.