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cour, capitaine d’infanterie dans la garnison de Mézières. Il m’apporta une lettre signée de lui et du vicomte de Lameth, et ils m’écrivoient tous deux comme étant et ayant toujours été dans mes intérêts, et y voulant vivre et mourir. Un billet séparé du vicomte me marquoit que M. le duc de Noirmoutier affectoit de faire le zélé pour moi plus que jamais, pour couvrir le passé par un éclat qui, en l’état où étoient les choses, ne le pouvoit plus, au moins selon son opinion, commettre avec la cour. Cependant comme Mézières n’est pas considérable sans Charleville et sans le Mont-Olympe, je n’y eusse pu rien faire de grand, dans la défiance où j’étois de Noirmontier ; mais j’y eusse toujours trouvé de quoi me retirer ; et c’étoit justement ce dont j’avois le plus besoin dans l’occasion de laquelle je vous parle.

Tout ce plan fut renversé en un moment, quoiqu’aucune des machines sur lesquelles il étoit bâti n’eût manqué. Je me sauvai[1] un samedi 8 d’août à cinq heures du soir ; la porte du petit jardin se referma après moi presque naturellement ; je descendis très-heureusement au bas du bastion, qui avoit quarante pieds de haut, la corde entre les jambes. Un varlet de chambre, qui est encore à moi, amusa mes gardes en les faisant boire. Ils s’amusèrent eux-mêmes à regarder un jacobin qui se baignoit, et qui, de plus, se noyoit. Le sentinelle, qui étoit à vingt pas de moi, n’osa me tirer, parce que lorsque je le vis compasser la mèche je lui criai que je le ferois pendre s’il tiroit ; et il avoua, à la question, qu’il crut sur cette menace

  1. Je me sauvai. Les détails circonstanciés de cette évasion se trouvent dans les Mémoires de Joly.