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Beaugency, où nous nous embarquâmes, après avoir changé d’escorte. La cavalerie retourna à Paris ; et Pradelle, qui avoit pour enseigne Morel, qui est présentement, ce me semble, à Madame, se mit dans notre bateau avec une compagnie du régiment des Gardes, qui suivoit dans un autre. L’exempt, les gardes du corps, la compagnie du régiment, me quittèrent le lendemain que je fus arrivé à Nantes. Je demeurai purement à la garde de M. le maréchal de La Meilleraye, qui me tint parole car l’on ne pouvoit rien ajouter à la civilité avec laquelle il me garda. Tout le monde me voyoit : on me cherchoit même tous les divertissemens possibles ; j’avois presque tous les soirs la comédie. Toutes les dames s’y trouvoient, elles y soupoient souvent. Madame de La Vergne, qui avoit épousé en secondes noces M. le chevalier de Sévigné, et qui demeuroit en Anjou avec son mari, m’y vint voir, et y amena mademoiselle sa fille, qui est présentement madame de La Fayette[1]. Elle étoit fort jolie et fort aimable, et elle avoit de plus beaucoup d’air de madame de Lesdiguières. Elle me plut beaucoup ; et la vérité est que je ne lui plus guère, soit qu’elle n’eût pas d’inclination pour moi soit que la défiance que sa mère et son beau-père lui avoient donnée dès Paris même, avec application, de mes inconstances et de mes différentes amours, la missent en garde contre moi. Je me consolai de sa cruauté

  1. Madame de La Fayette : Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, célèbre par l’étendue et les grâces de son esprit. Ses deux romans de la Princesse de Clèves et de Zaïde passèrent pour des modèles de style, et firent cesser l’engouement qu’on avoir pour les volumineux ouvrages de mademoiselle de Scudéry. Les Mémoires de madame de La Fayette font partie de cette série. Elle mourut en 1693.