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offroit de s’aller poster à l’entrée du Cours avec la maison de Monsieur. Enfin il dit maintes folies, à ce qu’il me paroissoit. Je persistai dans ma manière de parler et d’agir ; et je connus, avant que de sortir du Luxembourg (et pour vous dire le vrai avec plaisir), que Monsieur prendroit le parti d’obéir : car je lui vis une joie sensible de ce que je m’étois défendu d’appuyer l’offensive. Il ne laissa pas de nous en entretenir tout le reste du soir, et de nous commander même de faire tenir nos amis tout prêts, et de nous trouver dès la pointe du jour au Luxembourg. M. de Beaufort s’aperçut comme moi que Monsieur avoit pris sa résolution, et il me dit en descendant l’escalier : « Cet homme n’est pas capable d’une action de cette nature. — Il est encore bien moins capable de la soutenir, lui répondis-je ; et je crois que vous êtes enragé de la lui proposer en l’état où sont les affaires. — Vous ne le connoissez pas encore, repartit-il, si je ne le lui avois proposé, il me le reprocheroit d’ici à dix ans. »

Je trouvai, en arrivant chez moi Montrésor qui m’y attendoit, et qui se moqua fort de mes scrupules : car il appela ainsi tous les égards qu’il remarqua dans l’écrit que vous venez de voir, et que je lui dictai. Il m’assura fort que Monsieur avoit plus d’envie d’être à Limours que la Reine n’en avoit de l’y envoyer ; et sur le tout il convint que la cour avoit fait une faute terrible de l’y pousser, parce que la peur de n’y pas être en sûreté lui pouvoit aisément faire entreprendre ce à quoi il n’eût jamais pensé si on l’eût ménagé le moins du monde. L’événement a encore justifié cette imprudence qui étoit d’autant plus