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sur cela à part, la proposition étoit écervelée, vu les circonstances et les suites. Vous voyez d’un coup d’œil les uns et les autres dans ce que je vous ai dit ci-dessus. Ce ne fut assurément que par le principe de mon devoir que je n’y donnai pas : car je me croyois beaucoup plus en péril que je ne m’y suis cru de ma vie. J’allai attendre le Roi au Louvre, où je demeurai deux ou trois heures, avant qu’il arrivât, avec madame de Lesdiguières et M. de Turenne, qui me demanda bonnement et avec inquiétude si je me croyois en sûreté. Je lui serrai la main, parce que je m’aperçus que Frelai, qui étoit un grand mazarin, l’avoit entendu ; et je lui répondis : « Oui, monsieur, et en tout sens. Madame de Lesdiguières sait bien que j’ai raison. » Je ne l’avois pourtant pas : car je suis persuadé que si l’on m’avoit arrêté ce jour-là, il n’en fût rien arrivé. Ce que je vous dis de ces possibilités de l’un et de l’autre côté vous paroît sans doute contradictoire ; et j’avoue qu’il ne se peut concevoir que par ceux qui ont vu les choses, et encore qui les ont vues pour le dedans.

La Reine me reçut admirablement : elle dit au Roi de m’embrasser, comme celui auquel il devoit particulièrement son retour à Paris. Cette parole, qui fut entendue de beaucoup de gens, me donna une véritable joie, parce que je crus que la Reine ne l’auroit pas dite publiquement si elle avoit eu dessein de me faire arrêter. Je demeurai au cercle jusqu’à ce que l’on allât au conseil. Comme je sortois, je rencontrai dans l’antichambre Jouy, qui me dit que Monsieur me l’avoit envoyé pour savoir s’il étoit vrai que l’on m’eût fait prendre place au conseil, et pour m’or-