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loin d’être assuré. L’événement a tellement justifié la conduite que la cour tint en cette occasion, qu’il est presque ridicule de la blâmer. J’estime qu’elle fut imprudente, aveugle et téméraire au delà de ce qu’on s’en peut imaginer. Je ne dirai pas, sur ce chef comme sur l’autre, que je ne sais pas : je dirai que je sais, et de science certaine, que, si Monsieur eût voulu, la Reine et les sous-ministres étoient ce jour-là séparés du Roi.

Les courtisans se laissent toujours amuser aux acclamations du peuple, sans considérer qu’elles se font presque également pour tous ceux pour qui elles se font. J’entendis ce soir-là des gens dans le Louvre, qui flattoient la Reine sur ces acclamations ; et M. de Turenne, qui étoit derrière moi au cercle, me disoit à l’oreille : « Ils en firent presque autant dernièrement pour M. de Lorraine. » Je l’eusse bien étonné, si je lui eusse répondu : « Il y a bien des gens qui, au milieu de ces acclamations, ont proposé à Monsieur de supplier le Roi d’aller loger à l’hôtel-de-ville. Cela étoit vrai : M. de Beaufort même l’en avoit pressé, avec douze ou quinze conseillers du parlement. Il y en a de certains qui vivent encore, et desquels, si je les nommois, on seroit bien étonné. Monsieur n’y voulut point entendre, et je m’y opposai de toute ma force, quand Monsieur me dit qu’on lui avoit fait cette proposition. Elle étoit, à mon opinion, possible quant au succès présent, étant certain qu’il n’y avoit pas un officier dans les colonelles qui n’eût été massacré par ses soldats, s’il eût seulement fait mine de branler contre le nom de Monsieur : mais respect, conscience et tout ce que vous vous pouvez imaginer