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sieur jura cinq ou six fois de suite et, après avoir un peu rêvé, il me dit : « Allez, je veux demeurer deux heures tout seul ; revenez à ce soir sur les huit heures. » Je le trouvai alors dans le cabinet de Madame, qui le catéchisoit, ou plutôt qui l’exhortoit : car il étoit dans un emportement inconcevable ; et l’on eût dit, de la manière dont il parloit, qu’il étoit à cheval armé de toutes pièces, et prêt à couvrir de sang et de carnage les campagnes de Saint-Denis et de Grenelle. Madame étoit épouvantée ; et je vous avoue que quoique je connusse assez Monsieur pour ne me pas donner avec précipitation des idées si cruelles de ses discours, je ne laissai pas de croire en effet qu’il étoit plus ému qu’à son ordinaire ; car il me dit d’abord : « Eh bien ! qu’en dites-vous ? Y a-t-il sûreté à traiter avec la cour ? — Nulle, monsieur, lui répondis-je, à moins que de s’aider soi-même par de bonnes précautions ; et Madame sait que je n’ai jamais parlé autrement à Votre Altesse Royale. — Non, assurément, reprit Madame. — Mais ne m’aviez-vous pas dit, continua Monsieur, que le Roi ne viendroit pas à Paris sans prendre des mesures avec moi ? — Je vous avois dit, monsieur, lui repartis-je, que la Reine me l’avoit dit ; mais que les circonstances avec lesquelles elle me l’avoit dit m’obligeoient à avertir Votre Altesse Royale qu’elle n’y devoit faire aucun fondement. » Madame prit la parole : « Il ne vous l’a que trop dit, mais vous ne l’avez pas cru. » Monsieur reprit « Il est vrai, je ne me plains que de cette maudite Espagnole. — Il n’est pas temps de se plaindre, reprit Madame ; il est temps d’agir d’une façon ou de l’autre. Vous vouliez la paix quand il