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leur eût été inspirée par la défiance qu’eux-mêmes inspirèrent dans l’esprit de la Reine, ils eussent cherché des tempéramens qui auroient pu empêcher de tomber dans le piège qu’ils eussent appréhendé, et qui d’autre part auroient contribué à ne pas aigrir et les esprits et les affaires dans ces momens où il étoit si nécessaire de les radoucir. L’événement, qui fut favorable à la cour, a justifié cette conduite ; et je sais que les ministres ont dit depuis qu’ils étoient si assurés des dispositions de Paris, qu’ils n’avoient pas besoin de ces ménagemens. Jugez-en, je vous supplie, par ce que vous allez voir, après que je vous aurai encore suppliée d’observer une ou deux circonstances qui, quoique très-légères, vous marqueront l’état où tous ces espions de profession dont je vous ai parlé tantôt mettoient la cour.

La Reine leur étoit si soumise, et elle craignoit leurs rapports à un tel point, qu’elle conjura la palatine de dire à Ondedei, sans affectation, qu’elle lui avoit fait de grandes railleries de moi ; et elle lui dit à lui-même que je l’avois assurée que M. le cardinal étoit un honnête homme, et que je ne prétendois pas à sa place. Je vous puis assurer à mon tour que je ne lui avois dit ni l’une ni l’autre de ces sottises. Elle n’oublia pas non plus de faire sa cour à l’abbé Fouquet, en se moquant avec lui de la dépense que j’avois faite en ce voyage. Il est vrai qu’elle fut immense pour le peu de temps qu’elle dura. Je tenois sept tables servies en même temps, et j’y dépensois huit cents écus par jour. Ce qui est nécessaire n’est jamais ridicule. La Reine me dit, lorsque je reçus ses commandemens, qu’elle remercioit Monsieur ; qu’elle se sentoit très-obligée ;