Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces discours dont je viens de vous parler firent sur mon esprit, après que j’aurai touché, le plus brièvement qu’il me sera possible, quelques faits qui méritent de n’être pas oubliés.

Vous avez vu ci-dessus que le Roi, après qu’il eut établi son parlement à Pontoise, étoit allé à Compiègne. Il n’y mena pas M. de Bouillon, qui mourut en ce temps-là d’une fièvre continue ; mais il fit venir M. le chancelier, qui sortit de Paris déguisé, et qui préféra le conseil du Roi à celui de Monsieur, dans lequel il est vrai qu’il eut fort lieu de ne pas entrer. Il n’y a que la foiblesse qui puisse excuser un pas de cette nature à un chancelier de France ; mais je ne suis pas moins persuadé qu’il n’y a aussi que la mollesse du gouvernement du cardinal Mazarin qui eût pu remettre à la tête de tous les conseils et de toutes les justices du royaume un chancelier qui avoit été capable de le faire. L’un des plus grands maux que le ministériat de M. le cardinal Mazarin ait fait au royaume est le peu d’attention qu’il a eu à en garder la dignité. Le mépris qu’il en a fait lui a réussi ; et ce succès est un second malheur plus grand encore que le premier, parce qu’il couvre et qu’il pallie les inconvéniens qui arriveront infailliblement tôt ou tard à l’État, de l’habitude que l’on en a prise.

La Reine, qui avoit de la hauteur, eut assez de peine à se résoudre au rappel du chancelier ; mais le cardinal en étoit le maître, et au point que quand il s’entêta de M. de Bullion, entre les mains de qui il mit même les finances, il répondit à la Reine, qui l’avertissoit de ne se pas fier à un homme de cet esprit : « Il vous appartient bien, madame, de me donner