Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premier président du parlement de Paris, et qui a eu dès sa jeunesse toute la réputation que mérite une aussi grande capacité que la sienne, jointe à une aussi grande vertu, me faisoit tous les jours le même discours. M. de Valençay, conseiller d’État, qui n’avoit pas à beaucoup près les talens des autres, mais qui étoit aussi bien qu’eux colonel de son quartier, me venoit dire tous les dimanches au matin à l’oreille : « Sauvez l’État, sauvez la ville ! j’attends vos ordres. » M. des Roches, chantre de Notre-Dame, et qui avoit la colonelle du cloître, homme de peu de sens, mais de bonne intention, pleuroit réglément avec moi deux ou trois fois la semaine sur le même sujet. Ce qui me toucha le plus sensiblement de toutes ces exhortations fut une parole de M. de Lamoignon, dont j’estimois autant le bon sens que la probité. « Je vois monsieur, me dit-il un jour qu’il se promenoit avec moi dans ma chambre, qu’avec l’intention du monde la plus droite, vous allez tomber de l’amour public dans la haine publique. Il y a déjà quelque temps que les esprits qui étoient tous pour vous dans le commencement se sont partagés. Vous avez regagné du terrain par les fautes de vos ennemis : je vois que vous commencez à le reperdre. Que les frondeurs croient que vous ménagez le Mazarin, et que les mazarins croient que vous appuyez les frondeurs : je sais que cela n’est pas vrai, et je juge même qu’il ne peut être vrai ; mais ce qui me fait

    Louis XIV qui à peine sorti de l’enfance assistoit quelquefois au conseil, vantoit la netteté et la droiture que montroit ce magistrat. « Je n’entends bien, disoit-il, que les affaires que M. de Lamoignon rapporte. » Mort en 1677.