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tenir. Ils en sortirent après qu’ils eurent remercié la compagnie, et témoigné la nécessité qu’il y avoit de songer aux moyens de se défendre contre le Mazarin. La vue d’un trompette qui arriva dans ce temps-là de la part du Roi, et qui porta ordre de remettre l’assemblée à huitaine, échauffa les peuples[1] qui étoient dans la Grève, et qui crioient sans cesse qu’il falloit que la ville s’unît avec messieurs les princes. Quelques officiers que M. le prince avoit mêlés le matin dans la populace n’ayant point reçu l’ordre qu’ils attendoient, ne purent arrêter sa fougue : elle se déchargea sur l’objet le plus présent. On tira dans les fenêtres de l’hôtel-de-ville ; l’on mit le feu aux portes ; l’on entra dedans l’épée à la main ; on massacra M. Le Gras, maître des requêtes, et M. Miron, maître des comptes, un des plus hommes de bien et des plus accrédités dans le peuple qui fussent à Paris. Vingt-cinq où trente bourgeois y périrent aussi ; et M. le maréchal de L’Hôpital ne fut tiré de ce péril que par un miracle, et par le secours de M. le président Barentin. Un garçon de Paris appelé Noblet[2], duquel je vous ai déjà parlé à propos de ce qui m’arriva avec M. de La Rochefoucauld dans le parquet des huissiers, eut encore le bonheur de servir le maréchal en cette occasion. Vous vous pouvez imaginer l’effet que le feu de l’hôtel-de-ville et le sang qui y fut répandu produisirent à Paris. La consternation y fut d’abord générale ; toutes les boutiques y furent fermées en moins

  1. Échauffa les peuples : La principale cause de la sédition fut un propos inconsidéré que tinrent les princes en sortant de l’hôtel-de-ville. Ils dirent que la majorité de l’assemblée étoit dévouée à Mazarin.
  2. Joly, dans ses Mémoires, l’appelle Noblet d’Auvilliers. (A. E.)