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sentiment sur ce qui se passoit, en lui répondant toujours par monosyllabes. Il m’en grondoit un jour, et je lui ajoutai : « Et le monosyllabe, monsieur, est unique : car c’est toujours non. » Je ne pus tenir la même conduite à l’égard de la marche de M. de Lorraine : car il voulut absolument, et Madame encore plus que lui que je dressasse l’instruction dont je viens de parler. Je ne sais si elle le trouva ébranlé. Il marcha avec son armée, qui étoit composée de huit mille hommes de vieilles et bonnes troupes ; il les laissa à Lagny, et vint à Paris, où il entra à cheval, avec un applaudissement incroyable du peuple. Monsieur et M. le prince allèrent au devant de lui jusqu’à Bourget le dernier mai ; et ils y furent accompagnés de messieurs de Beaufort, de Nemours, de Rohan, de Sully, de La Rochefoucauld, de Gaucourt, de Chavigny, et de don Gabriel de Tolède. Il se trouva par hasard que ces deux derniers figurèrent ensemble dans cette entrée. Monsieur, qui haïssoit M. de Chavigny, me le dit le soir avec un emportement de joie ; et je lui répondis que j’étois surpris de ce qu’il me paroissoit étonné de cela ; que M. de Chavigny ne faisoit que ce que le président Jeannin, qui avoit été l’un des plus grands ministres de Henri IV avoit fait autrefois ; que la différence n’étoit qu’en ce que le président Jeannin avoit escadronné avec les Espagnols avant qu’il fût ministre, et que M. de Chavigny n’y escadronnoit qu’après. Monsieur fut très-satisfait de l’apologie, et il la fit courir malicieusement dans le Luxembourg, à un tel point que je la trouvai sur les degrés et dans le Cours un quart-d’heure après.

Je gardai beaucoup de mesure à l’égard de M. de Lor-