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fût uni intimement avec M. le prince, avec lequel d’ailleurs il ne pouvoit s’unir sans se soumettre même avec honte, vu l’inégalité des génies, je n’eusse pas laissé de souhaiter qu’il n’eût pas la foiblesse et d’envie et de crainte qu’il avoit à son égard, parce qu’il me sembloit qu’il y avoit des tempéramens à prendre, par lesquels il pouvoit faire servir M. le prince à ses fins, sans lui donner tous les avantages qu’il en appréhendoit. Je conviens que ces tempéramens étoient difficiles dans l’exécution et par conséquent qu’ils étoient impossibles à Monsieur, qui ne reconnoissoit presque jamais de différence entre le difficile et l’impossible. Il est incroyable quelle peine j’eus à lui persuader que la bonne conduite vouloit qu’il fît ses efforts à ce que le parlement ne se déclarât pas contre ces troupes auxiliaires qui devoient venir à M. le prince. Je lui représentai avec force toutes les raisons qui l’obligeoient à ne les pas opprimer dans la conjoncture où étoient les affaires, et à ne pas accoutumer la compagnie à condamner les pas qui se faisoient contre le Mazarin. Je convins qu’il falloit blâmer publiquement l’union avec les étrangers pour soutenir la gageure, mais je soutenois qu’il falloit en même temps éluder les délibérations que l’on voudroit faire sur ce sujet ; et j’en proposois les moyens, qui par les diversions qui étoient naturelles, et par la foiblesse du président Le Bailleul, eussent été même comme imperceptibles. Monsieur demeura très-long-temps ferme à laisser aller la chose dans son cours, parce que, ajouta-t-il, M. le prince n’est déjà que trop fort ; et après que je l’eus convaincu par mes raisons, il fit tout ce que les hommes qui sont foibles ne manquent jamais de faire