Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
[1649] MÉMOIRES

de sept ou huit cavaliers dans la place Dauphine, pendant que lui-même (à ce qu’on m’a assuré depuis) étoit chez une fille de joie dans le voisinage. Il y eut je ne sais quelle rumeur entre les cavaliers et les bourgeois du guet ; et l’on vint dire au Palais-Royal qu’il y avoit de l’émotion dans ce quartier. Servien eut ordre d’envoyer savoir ce que c’étoit ; et l’on prétend qu’il grossit beaucoup, par son rapport, le nombre des gens qui y étoient. On observa même qu’il eut une assez longue conférence avec le cardinal dans la petite chambre grise de la Reine, et que ce ne fut qu’après cette conférence qu’il vint dire tout échauffé à M. le prince qu’il y avoit assurément quelque entreprise contre sa personne. M. le prince voulut aller s’éclaircir lui-même : la Reine l’en empêcha, et ils convinrent d’envoyer seulement le carrosse de M. le prince avec quelques carrosses de suite, pour voir si on l’attaqueroit. Arrivés sur le Pont-Neuf, ils trouvèrent quantité de gens armés, parce que les bour-geois avoient pris les armes à la première rumeur ; et il n’arriva rien. Il y eut un laquais blessé d’un coup de pistolet derrière le carrosse de Duras, mais on ne sait point comment cela arriva. S’il est vrai, comme on le disoit en ce temps-là, que deux cavaliers tirèrent ce coup de pistolet après avoir regardé dans le carrosse de M. le prince, où ils ne trouvèrent personne, il y a apparence que ce fut un jeu, et la continuation de celui du matin. Un boucher, très-homme de bien, me dit huit jours après (et il me l’a dit vingt fois depuis) qu’il n’y avoit pas un mot de vrai de ce qui s’étoit dit de ces deux cavaliers ; que ceux de La Boulaye n’y étoient plus quand les carrosses passèrent ;