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MÉMOIRES
DU
CARDINAL DE RETZ,


ÉCRITS PAR LUI-MÊME
À MADAME DE ***



LIVRE TROISIÈME.




Il étoit deux heures après minuit sonnées quand je retournai chez moi ; et je trouvai pour rafraîchissement une lettre de Laigues, où il n’y avoit que deux ou trois lignes en lettres ordinaires, et dix-sept pages de chiffres. Je passai le reste de la nuit à la déchiffrer, et je ne rencontrai pas une syllabe qui ne me donnât une nouvelle douleur. La lettre étoit écrite de la main de Laigues, mais elle étoit en commun de Noirmoutier et de lui. La substance étoit que nous avions eu tout le tort du monde de souhaiter que les Espagnols ne s’avançassent pas dans le royaume ; que tous les peuples étoient si animés contre Mazarin, et si bien intentionnés pour le parti et pour la défense de Paris qu’ils venoient de toutes parts au devant d’eux ; que nous ne devions point appréhender que leur marche nous fît tort dans le public ; que M. l’archiduc étoit un saint, qui mourroit plutôt de dix mille morts que de