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pable de juger que par l’événement ; parce que le même caractère qui produit ce défaut fait que ceux qui l’ont ne raisonnent jamais constamment des effets à leurs causes. J’offris sur ce fondement à la Reine de faire imprimer et de publier dès le lendemain l’avis que j’avois porté au parlement ; et je me servis de cette offre pour lui faire croire que si je ne me fusse tenu pour très-assuré que la fin de la délibération ne devoit pas être avantageuse à M. le prince, je n’eusse pas aggravé par un éclat de cette nature, auquel rien ne m’obligeoit, une action où je lui avois déjà donné plus d’atteinte que la politique même ordinaire ne me le permettoit.

La Reine donna, sans balancer, à cette lueur qui lui plaisoit. Elle crut que ce que je lui proposois n’avoit point d’autre origine que celle que je lui marquois. La satisfaction qu’elle trouva dans cette pensée fit qu’elle se donna à elle-même des idées plus douces, sans les sentir, de ce qui s’étoit passé le matin ; qu’elle entra avec moins d’aigreur dans le détail de ce qui se pouvoit passer le lendemain ; et que quand elle connu, vingt-quatre heures après que le radoucissement de Monsieur ne lui seroit pas d’une aussi grande utilité, au moins pour la conjoncture présente, qu’elle se l’étoit imaginé, elle ne s’en prit plus à moi. Il ne se faut pas jouer à tout le monde par ces sortes de diversions : elles ne sont bonnes qu’avec les gens qui ont peu de vues, et qui sont emportés. Si la Reine eût été capable de lumière et de raison en cette occasion, ou plutôt si elle eût été servie par des personnes qui eussent préféré à leur conservation particulière son véritable service, elle