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tout le monde. M. le prince a voulu tirer de moi de quoi chasser douze ministres, par l’espérance de m’en laisser un, qu’il m’auroit peut-être ôté dès le lendemain. On n’a pas donné dans ce panneau, il en tend un autre ; il me veut ôter ceux qui me restent, c’est-à-dire il propose de les ôter car si on lui veut laisser la Provence, il me laissera Le Tellier, et peut-être que j’obtiendrai Servien pour le Languedoc. Qu’en dit Monsieur ? — Il prophétise, madame, lui répondis-je car, comme j’ai déjà dit à Votre Majesté, que peut-on dire dans l’état où sont les affaires ? — Mais enfin qu’en dit-il, reprit la Reine ? ne se joindra-t-il pas encore à M. le prince pour me faire faire ce pas de ballet ? Je ne le crois pas, madame, repartis-je, quand je me ressouviens de ce qu’il m’en a dit aujourd’hui mais je n’en doute pas, quand je fais réflexion qu’il y sera peut-être, forcé dès demain. — Et vous, me dit la Reine, que ferez-vous ? — Je me déclarerai en plein parlement, répliquai-je, et en chaire même, contre la proposition, si Votre Majesté se résout à se servir de l’unique et souverain remède et j’opinerai apparemment comme les autres, si elle laisse les choses dans l’état où elles sont. »

La Reine, qui s’étoit fort contenue jusque là s’emporta à ce mot ; elle éleva même sa voix, et me dit que je ne lui avois donc demandé cette audience que pour lui déclarer la guerre en face ? « Je suis bien éloigné, madame, de cette insolence et de cette folie, lui répondis-je, puisque je n’ai supplié Votre Majesté de me permettre d’avoir l’honneur de la voir aujourd’hui que pour savoir de la part de Monsieur