Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
DU CARDINAL DE RETZ. [1651]

me paroissoit que nous tomberions dans une condition beaucoup plus mauvaise que celle dont nous venions de sortir, parce que les négociations que l’on faisoit continuellement avec le Mazarin faisoient bien plus de mal à l’État que son ministère ; qu’elles entretenoient la Reine dans l’espérance de son rétablissement, et qu’ainsi rien ne se faisoit que par lui ; et que comme les prétentions de M. le prince étoient immenses, nous courions fortune d’avoir une guerre civile pour préalable de son rétablissement, qui seroit le prix de l’accommodement ; que Monsieur en seroit la victime, mais que sa qualité le sauveroit du sacrifice, et que les pauvres frondeurs y demeureroient égorgés. Ce canevas beau et fort, comme vous voyez, qui fut mis et étendu sur le métier par Caumartin, fut brodé par moi de toutes les couleurs que je crus les plus revenantes à ceux à qui je les faisois voir. Je réussis. Je m’aperçus qu’en trois ou quatre jours j’avois fait mon effet ; et je mandai à la Reine, par madame la palatine, que le lendemain j’irois au Palais. Jugez, s’il vous plaît, de la joie qu’elle en eut, par un emportement qui ne mérite d’être remarqué que pour vous la faire voir ! Il me semble que je vous ai déjà dit que madame de Chevreuse avoit toujours assez gardé de mesures avec la Reine, et qu’elle avoit pris soin de lui faire croire qu’elle étoit beaucoup plus emportée par sa fille que par elle-même à tout ce qui se passoit. Je ne puis bien vous dire ce que la Reine en crut effectivement, parce que j’ai observé sur ce point beaucoup de pour et de contre. Ce qui s’ensuivit fut que madame de Chevreuse ne cessa point d’aller au Palais-Royal, dans le