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[1651] MÉMOIRES

ville, père du chevalier du même nom, qu’elle aimoit éperdument. Elle me dit que la Reine lui en avoit donné parole positive : elle y engagea la mienne ; j’engageai la sienne pour mon cardinalat. Nous nous tînmes fidèlement parole de part et d’autre, et je crois, dans la vérité, lui devoir le chapeau ; parce qu’elle ménagea si adroitement le cardinal, qu’il ne put enfin s’empêcher, avec les plus mauvaises intentions du monde, de le laisser tomber sur ma tête. Nous concertâmes, cette nuit-là et la suivante, tout ce qu’il y avoit à régler touchant le voyage de Bertet. La palatine écrivit pour lui une grande dépêche en chiffre au cardinal, qui est une des plus belles pièces qui se soit peut-être jamais faite. Elle lui parloit, entre autres, du refus que j’avois fait à la Reine de la servir, à l’égard de son retour en France, si délicatement et si habilement, qu’il me sembloit à moi-même que ce fût la chose du monde qui lui fût la plus avantageuse. Vous pouvez juger que je ne m’endormis pas du côté de Rome. Je préparai les esprits de celui de Paris à l’ouverture de la nouvelle scène que je méditois. L’importance des gouvernemens de Guienne et de Provence fut exagérée ; le voisinage d’Espagne et d’Italie fut figuré ; les Espagnols, qui n’étoient pas encore sortis de la ville de Stenay, quoique M. le prince en tînt la citadelle, ne furent pas oubliés. Après que j’eus un peu arrosé le public, je m’ouvris avec les particuliers : je leur dis que j’étois au désespoir que l’état où je voyois les affaires m’obligeât à sortir de la retraite où je m’étois résolu ; que j’avois espéré qu’après tant d’agitations et de troubles on pourroit jouir de quelque calme et d’une honnête tranquillité ; qu’il